TERTIAIRE (ÈRE)

TERTIAIRE (ÈRE)
TERTIAIRE (ÈRE)

L’ère tertiaire (terme proposé par Alexandre Brongniart, en 1810, pour désigner les temps géologiques correspondant aux terrains qui surmontent la craie) embrasse l’histoire de la Terre de la fin du Crétacé au Quaternaire. Ce dernier, par sa durée relativement brève (moins de 2 millions d’années), est pratiquement inséparable du Tertiaire: on les réunit aujourd’hui sous le nom de Cénozoïque (de kainos : récent). Avec une durée de 63 millions d’années environ, c’est la plus courte des ères géologiques. Elle n’a pas duré aussi longtemps que certaines périodes des autres ères comme le Crétacé (70 Ma); elle est l’équivalente du Carbonifère ou de l’Ordovicien (65 Ma). Elle ne représente que le cinquième de l’ère primaire (ou Paléozoïque) et à peine plus du tiers de l’ère secondaire (ou Mésozoïque). L’épaisseur maximale des dépôts tertiaires est d’environ 30 kilomètres, à peine moins que ceux du Mésozoïque (35 km). C’est que l’ère tertiaire a vu la surrection des chaînes alpines et aussi le commencement de leur destruction: d’où l’abondance des formations détritiques (sables et argiles) auxquelles s’ajoutent, dans les aires stables, d’importants dépôts carbonatés. Au cours du Tertiaire, la paléogéographie s’achemine vers la géographie actuelle: l’Atlantique nord s’ouvre complètement tandis que l’Atlantique sud continue de s’élargir. Toutefois, ce n’est qu’au Pliocène que la Téthys prend la physionomie qui nous est familière.

Animaux et plantes préfigurent aussi le monde actuel. La seule grande explosion est celle des Monocotylédones, dans de vastes et grasses prairies que broutent les Mammifères, classe à évolution rapide, en pleine expansion, qui présente pour les formations continentales un intérêt stratigraphique comparable à celui des Reptiles à l’ère secondaire.

1. Subdivisions et limites

L’ère tertiaire est divisée en deux périodes: Paléogène (ou Nummulitique) et Néogène. Chacune est divisée en époques: trois d’entre elles, désignées par C. Lyell en 1833 (Éocène, Miocène et Pliocène), ont été initialement les trois seules subdivisions d’une ère qui excluait le Quaternaire, appelé encore «Diluvium». En 1854, E. Beyrich introduisit l’Oligocène à la partie supérieure de l’Éocène sensu stricto , et, en 1874, W. G. Schimper le Paléocène à sa base. En même temps, la nécessité de regroupements se faisait sentir: Miocène et Pliocène réunis dans le Néogène par M. Hoernes (1853); et les trois époques inférieures dans le Paléogène (K. F. Naumann, 1866) ou Nummulitique (E. Renevier, 1873) (cf. tableau).

Les géologues ont eu très tôt le sentiment d’une coupure majeure entre le Mésozoïque et le Cénozoïque: c’est le moment de la disparition des grands Reptiles, des Ammonites, des Bélemnites, des Rudistes; c’est un net renouvellement des faciès avec l’abondance des dépôts coquilliers néritiques; c’est aussi, sur les marges continentales, de nouvelles transgressions après la grande régression de la fin du Crétacé; et, d’un point de vue orogénique, c’est la fin de l’orogenèse laramienne et le début de l’orogenèse alpine.

Mais il faut bien admettre qu’une discontinuité n’est pas une limite, puisqu’elle correspond nécessairement à un intervalle de temps. Et, de fait, un étage litigieux, le Danien, créé en 1846 par E. Desor, au Danemark, pour désigner des calcaires zoogènes, riches en Bryozoaires, qui surmontent la craie maastrichtienne à Faxoe (aujourd’hui Fakse) et que l’on trouve surtout dans les falaises de Stevns (Stevns Klint), au sud de Copenhague, est en continuité avec le Crétacé et semblait bien appartenir à cette période. Pourtant, on n’y rencontre plus ni Ammonites, ni Belemnitidés, ni Inocérames, ni Globotruncana , et les Échinodermes, Bryozoaires et Brachiopodes sont plus près de ceux du Montien que de ceux du Maastrichtien. Enfin, c’est dans le Danien qu’apparaissent les premiers organismes planctoniques caractéristiques du Cénozoïque: Foraminifères (Globorotalia danica et pseudobulloïdes ) et Nannoplancton (Markalius astroporus ). Aussi place-t-on désormais le Danien à la base du Tertiaire. Sa partie supérieure correspond d’ailleurs au Montien de Belgique, étage incontestablement tertiaire.

La limite supérieure est, elle aussi, controversée, car c’est en même temps la limite inférieure du Quaternaire. On peut la définir par un ou plusieurs événements fixes – inversion de polarité magnétique, âge radiométrique, base d’une formation marine caractéristique –, ou par des événements initialement considérés comme stables, mais qui se révèlent flottants au fur et à mesure des progrès de la recherche – apparition de l’homme ou début des glaciations. Mais aujourd’hui on sait que les premiers Hominiens sont apparus il y a au moins 4 millions d’années et que les premières glaciations, qui n’affectaient, il est vrai, que les régions polaires, datent de 9 millions d’années. C’est pourquoi la limite plio-quaternaire ne peut être définie, comme toutes les autres, que dans une formation marine: à la base du Calabrien, transgression caractérisée par l’apparition d’une «faune froide» à Artica (Cyprina ) islandica et à Hyalinea (Anomalina ) baltica . Cette limite correspond à un âge radiométrique de 2 millions d’années environ, à l’«événement d’Olduvai» (bref retour à une polarité normale dans la longue période de Matuyama, inverse) en stratigraphie magnétique, à la disparition des Discoasters si l’on se réfère au nannoplancton, à l’apparition de Hyalinea baltica parmi les Foraminifères benthiques, de Globorotalia truncatulinoides parmi les Foraminifères planctoniques et d’Allophaiomys pliocaenicus parmi les Rongeurs.

2. Le Paléogène

Caractères paléontologiques

Au début du Tertiaire tous les grands groupes actuels du monde vivant sont représentés à l’exception des Monocotylédones, qui s’épanouissent seulement à partir de l’Oligocène (fig. 1). Au cours du Paléocène, les Mammifères connaissent une première radiation, puis une seconde au cours de l’Éocène; ils demeurent de petite taille et il faudra attendre le Néogène pour que la chaîne alimentaire: MonocotylédonesHerbivoresCarnivores atteigne son apogée. Flores et faunes du Cénozoïque ont un intérêt non seulement stratigraphique, mais aussi paléoécologique: les plantes deviennent de plus en plus tributaires des climats, qui se diversifient, et l’écologie comparée permet la reconstitution des milieux; Algues, Foraminifères, Bryozoaires, Ostracodes apportent, parmi d’autres, de précieux renseignements sur la profondeur des eaux, l’agitation, la luminosité, la température, la salinité...

Historiquement, les Mollusques ont accompagné, au début du XIXe siècle, les premiers balbutiements de la stratigraphie naissante: le Tertiaire, c’est l’«ère des coquilles». Bien que leur rôle soit aujourd’hui mineur eu égard aux micro-organismes, leur récolte permet à un observateur quelque peu exercé de reconnaître immédiatement la position stratigraphique de la couche qui les renferme. Parmi les Gastéropodes, les Cérithidés, par leur abondance et la préservation de leur test, sont un matériel de choix pour l’étude de la génétique des populations fossiles. Les Céphalopodes, par contre, après avoir dominé le monde marin au Mésozoïque, se font très rares et ne sont plus représentés que par Hercoglossa , voisin des nautiles, et par le rostre de Belosepia , animal proche des seiches. Avec les Mollusques, les formations néritiques livrent souvent les échinodermes, des hexacoralliaires, des bryozoaires et des algues calcaires.

La nécessité de déterminer la position stratigraphique de formations échantillonnées uniquement par forage, à partir d’une très petite quantité de matériel, a incité les géologues pétroliers à étudier d’une manière approfondie les restes de micro-organismes contenus dans les roches sédimentaires. Pour atteindre cet objectif, on a quelque peu délaissé les «grands» Foraminifères (Nummulites, Discocyclines, Alvéolines), puis les Foraminifères benthiques, les uns et les autres considérés comme tributaires du milieu; on s’est consacré plus spécialement à l’étude des Foraminifères planctoniques et du Nannoplancton, dont l’aire de répartition était supposée mondiale. Mais, après des progrès spectaculaires, il a fallu une fois encore déchanter: ces micro-organismes sont sensibles aux variations climatiques et les Globigérines équatoriales ne ressemblent pas aux Globigérines des mers boréales. Par contre, celles des formations antillaises étaient semblables à celles de la Téthys.

Les insectes ne sont préservés que dans des conditions exceptionnelles: dépôts de source comme le travertin de Sézanne au sud d’Épernay (Thanétien), calcaires schisteux finement lités du Monte Postale près de Bolca, Trentin (Ilerdien), phosphorites du Quercy (Éocène à Oligocène), calcaires fins et marnes du lac d’Aix-en-Provence (Èocène et Oligocène), ambre de la Baltique (Oligocène). Les familles les mieux représentées sont les Hyménoptères, les Diptères et les Lépidoptères. Dans tous ces gisements, on rencontre aussi, très souvent, des débris végétaux (tiges, feuilles, fleurs et fruits), des restes d’oiseaux, de reptiles, d’amphibiens et surtout de poissons, en particulier au Monte Postale. Dents et otolites de poissons ou débris de téguments de tortues et de crocodiles, plus résistants que le squelette, ne sont pas rares non plus dans les formations néritiques ou lagunaires. Les «dents de requins», dont le record de taille (15 cm) est atteint par le Carcharodon , sont fréquentes dans les niveaux transgressifs, et les Poissons ont permis une bonne stratigraphie de l’Éocène de Belgique.

Alors que les Reptiles survivants n’évoluent guère au cours du Tertiaire et s’acheminent vers la faune actuelle au cachet incontestablement archaïque, tous les ordres

d’Oiseaux sont représentés dès le Paléocène. À l’Éocène vivent déjà la plupart des groupes actuels de Ratites et de Carinates, dont les formes primitives étaient de grande taille, comme le Gastornis du bassin de Paris ou le Diatryma du Wyoming (fig. 2).

Au Paléocène, les principaux gisements de Mammifères se situent en Amérique du Nord (Torrejon, Tiffany, Clarkfork) et en Asie. En France, la faune de Cernay, légèrement postérieure à celle de Walbeck (Allemagne), est la plus caractéristique. Il n’y a pas encore de représentants des familles actuelles et tous les Mammifères sont de petite taille, inférieure à 50 cm. Les Multituberculés, apparus au Jurassique, persistent avec Neoplagiaulax et disparaissent à l’Éocène. On rencontre au Paléocène des Marsupiaux voisins des Sarigues et déjà une assez grande diversité de Placentaires apparus, avec de petits Insectivores, dans le Crétacé supérieur de Mongolie.

Voisin des Carnivores, Artocyon , très répandu à Cernay, possède un corps allongé (45 cm), supporté par des membres courts et massifs et terminé par une queue longue et épaisse. Malgré son nom, il n’était ni ours ni loup, avait une démarche plantigrade, était un bon nageur et plus omnivore que carnivore. C’est un Condylarthre, qui se distingue des vrais Carnivores par une carnassière indifférenciée et un encéphale plus petit et lisse. Les ancêtres des Ongulés sont représentés par d’autres Condylarthres comme Phenacodus , de la taille d’un petit loup à grande queue, à la denture sans diastème et aux molaires trituberculées. Comme lui, le Pleuraspidotherium , herbivore, broute les feuilles des arbustes. Les Condylarthres rencontraient au bord des fleuves un Lémurien, Plesiadapis , petit Prosimien ancêtre des Primates, à fortes griffes et à denture voisine de celles des Rongeurs; il pullulait dans les buissons. Aucun des grands Ongulés caractéristiques de l’Éocène (Palaeotherium , Coryphodon , Lophiodon ) n’était encore présent.

Avec l’extinction des Amblypodes, des Créodontes et des Condylarthres et l’apparition des Édentés, Cétacés, Siréniens, Rongeurs, Artiodactyles, Périssodactyles, Proboscidiens et Carnivores fissipèdes, l’Éocène annonce vraiment la faune mammalogique actuelle (fig. 3); il ne manque alors à celle-ci que les Cervidés, Girafidés, Bovidés et Hominidés, qui n’apparaissent qu’au Néogène. Les Marsupiaux sont toujours bien représentés. L’un des plus célèbres est la «sarigue» de Cuvier, Peratherium cuvieri , découverte à Montmartre: d’après l’examen de la mandibule, Cuvier avait reconnu qu’il s’agissait d’un Marsupial. La découverte ultérieure des os du pubis soutenant la poche sous-ventrale, en confirmant l’hypothèse, apporta une illustration éclatante du principe des corrélations d’organes.

Le saut évolutif se situe entre le Thanétien et le Sparnacien, c’est-à-dire entre la faune de Cernay et celle de Meudon. Le Périssodactyle Hyracotherium succède à Phenacodus du Paléocène, puis apparaissent, au Cuisien, Lophiodon , sorte de tapir sans trompe, et, au Lutétien, Propalaeotherium . Les Paléotheriums vrais (Éocène supérieur) sont à denture complète rappelant celles des rhinocéros, à silhouette de tapir; ils ont cinq doigts à l’avant et trois à l’arrière et se placent au voisinage de la lignée des Équidés, qui débute à l’Éocène inférieur en Amérique du Nord avec Eohippus (3 doigts à l’arrière, 4 à l’avant, taille du renard). Outre Palaeotherium et se situant cette fois dans le groupe des Artiodactyles, on rencontre dans le Ludien (Bartonien supérieur) de Montmartre des types voisins de la gazelle (Xiphodon ), du lièvre (Dichobune ) et du tapir à queue de loutre (Anoplotherium ).

Un nouveau saut évolutif, la «grande coupure oligocène» de Stehlin, se produit après la faune de Montmartre et apparaît avec celle de Ronzon (Haute-Loire), à l’Oligocène inférieur. Les Périssodactyles éocènes (Palaeotherium ) disparaissent ainsi que les Prosimiens, tandis qu’apparaissent les rhinocéros (Aceratherium ), les tapirs et les Anthracothérium , Artiodactyles voisins du sanglier, aux fortes incisives et à grandes canines. Les Équidés (Mesohippus et Miohippus ) continuent à augmenter de taille (0,65 m au garrot) en même temps qu’ils deviennent tridactyles. Les Proboscidiens (Palaeomastodon du Fayoum, en Égypte) montrent un développement des quatre défenses et de la trompe; chez les Primates, un des premiers Simiens, Propliopithecus d’Égypte, est à l’origine du phylum menant au gibbon.

Aperçu paléogéographique

À l’échelle du globe terrestre, la géographie commence à ressembler à celle qui nous est familière (fig. 4); on y reconnaît déjà l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Afrique dont reste encore solidaire la péninsule arabique. Mais l’Amérique du Nord est encore soudée au Groenland, lui-même en contact avec la Grande-Bretagne: la communication entre l’océan Arctique et l’Atlantique en voie d’expansion n’a été effective qu’à l’Oligocène. Elle se réalisa à l’ouest du domaine britannique, lequel fut par moments soudé à l’Europe continentale. Par contre, les deux Amériques, unies temporairement au début du Paléocène, restèrent ensuite complètement séparées pendant tout le Paléogène. Il en résulte, en cette période où l’évolution des Mammifères est rapide, le plus «splendide isolement» de toute l’histoire des temps phanérozoïques. Il conduit à la conservation d’une faune archaïque où dominent Sarigues, Tatous et Fourmiliers. Mais le détroit qui sépare les Amériques se situe à la latitude du Venezuela, si bien que les provinces marines du golfe du Mexique et de la Californie, isolées l’une de l’autre, connaissent des faunes et des faciès très différents.

Sur le globe éocène, l’Asie a une forme insolite, car l’Inde «en rupture» de Gondwana, continent alors entièrement écartelé, ne l’a pas encore rejointe. L’Asie reste à l’écart de l’Europe, dont elle est séparée par la mer ouralienne qui ne se ferme qu’à la fin de l’Oligocène, mais connaît des liaisons à éclipses avec l’Amérique du Nord par l’intermédiaire de ce qui était tantôt l’isthme, tantôt le détroit de Béring.

La partie méridionale de l’Europe était tout autre que celle que nous connaissons; l’Afrique était complètement séparée de celle-ci par la Téthys. À l’ouest, cette mer communiquait avec l’Atlantique par deux détroits, nord-bétique et sud-rifain, de part et d’autre d’un continent qui occupait l’emplacement de l’actuel détroit de Gibraltar et se développait en Méditerranée occidentale, exportant des produits détritiques vers le sud, dans la mer maghrébine, et vers le nord, dans la mer provençale. Les ébauches des chaînes alpines, qui devaient être ultérieurement érodées pour donner naissance à des flyschs, commençaient à surgir de la Téthys.

Au début de l’Éocène (Ilerdien) commence à se mettre en place la chaîne pyrénéo-provençale; des charriages se développent dans les Alpes et les Dinarides, et se poursuivent à l’Oligocène. De façon générale, l’Éocène est une période de compression à laquelle succède la phase de relaxation oligocène; cette dernière est très importante dans le monde occidental, car elle correspond à l’accélération de l’expansion de l’Atlantique Nord, à la formation de nombreux fossés (ou graben), comme ceux d’Alsace, de Limagne et de Bohême, et à l’ébauche de la grande dépression molassique périalpine.

En relation avec les mouvements tectoniques et l’évolution des océans, des transgressions épicontinentales mordent la frange littorale de tous les continents. Par la richesse fantastique de leur malacofaune et la surprenante variété des Foraminifères benthiques – des Nummulites au premier chef –, ces dépôts néritiques de l’Europe occidentale et téthysienne ont été à l’origine, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, de la création de la géologie historique.

Cette abondante vie marine, à laquelle correspondait sur les continents une luxuriante végétation tropicale, illustre un climat chaud et humide, qui connut cependant, dès l’Éocène supérieur, ses périodes de sécheresse; celles-ci furent favorables aux dépôts de roches salines: gypse du bassin de Paris, sel gemme et sel de potasse d’Alsace, du sud de la Pologne et de la Roumanie. De l’Éocène à l’Oligocène, cette «ceinture évaporitique» eut tendance à se déplacer vers le sud, et, au Miocène, domina le monde méditerranéen.

Sans être aussi contrastés qu’au Quaternaire, les climats ont commencé à se différencier: les Nummulites ne dépassaient pas la latitude des Pays-Bas, la végétation des pays nordiques était celle d’un climat tempéré et les Foraminifères planctoniques de la mer du Nord avaient un «cachet froid» qui rend difficile leur détermination.

Outre leur liaison par la mer ouralienne, la Téthys et la mer boréale ont été reliées temporairement, tantôt par une pré-Manche et l’Atlantique en voie d’ouverture à l’Éocène inférieur et moyen, tantôt par la plate-forme russe à l’Éocène supérieur, tantôt enfin par cette même plate-forme et le fossé rhénan à l’Oligocène. À la fin de cette époque, les mers épicontinentales abandonnent presque tout le domaine nordique. Dans le sud de l’Angleterre et le bassin de Paris, ce départ fut sans retour.

3. Le Néogène

Caractères paléontologiques

Comme au Paléogène, ce sont surtout les Mammifères et les micro-organismes qui apportent des arguments stratigraphiques. Les autres groupes sont aussi d’un grand secours, en particulier dans les milieux néritiques, lagunaires et lacustres: au Néogène les climats et la paléogéographie sont moins «globaux» qu’au cours des périodes précédentes, et le paléontologiste devient un paléoécologiste.

Ainsi rencontre-t-on des associations de Mollusques qui vivaient dans les mers épicontinentales: l’abondante malacofaune des faluns de Touraine et du bassin du Rhône, avec Ostrea crassissima (qui dépasse 30 cm), Murex turonensis , Cardita jouanetti , est là pour l’attester. Les Pectinidés (genres Pecten , Flabellipecten , Amussium , Chlamys ) ont permis à G. Demarcq de préciser la stratigraphie du Miocène de la vallée du Rhône. L. David et N. Mongereau ont obtenu aussi de bons résultats avec les Bryozoaires (Cyclostomes branchus en particulier), qui apportent en outre de nombreuses indications paléogéographiques sur la nature de substrat, la profondeur, la salinité et la température des eaux. Dans les mers peu profondes, les Échinodermes accompagnent les Mollusques: Oursins réguliers et irréguliers (Echinolampas , Clypeaster , Scutella ). Un Céphalopode du groupe des Nautilidés se rencontre dans les faciès vaseux, ou «schlier», du Miocène: Aturia aturis , à spire très embrassante. Les lagunes de l’Europe centrale et orientale sont le domaine des Cérithes, des Congéries et des Limnocardiums. Au Pliocène, elles sont remplacées par des lacs où évoluent Dreissènes, Unios et surtout «Paludines» (genre Viviparus ). Parmi les bassins strictement lacustres, celui d’Œningen en Suisse, près du lac de Constance, a livré, dans la «molasse supérieure d’eau douce» du Miocène supérieur, une flore riche de quatre cent soixante-quinze espèces: Sequoia , Taxodium , Cupressus et une profusion d’espèces à feuilles caduques de pays tempéré. La température moyenne devait être de l’ordre de 18 à 20 0C. Il s’agissait d’un climat subtropical humide comme celui que connaissent aujourd’hui Madère et les Açores.

Au Pliocène, la température s’abaisse à peu près partout sur le globe. En France, la flore de Meximieux (Ain) marque une diminution de température de 4 à 5 0C par rapport à celle d’Œningen.

En même temps que les terres émergées se couvrent de prairies, les Mammifères (l’homme excepté) atteignent leur apogée au Néogène, avant de connaître un lent déclin qui s’amorce dès la fin du Pliocène pour s’accentuer au Quaternaire. La diversification et l’augmentation de taille des Proboscidiens sont remarquables. Après les ébauches paléogènes (Moeritherium puis Palaeomastodon ) apparaissent successivement: au Miocène, les Mastodontes à quatre défenses et les Deinotherium de taille gigantesque (5 m au garrot), aux incisives inférieures curieusement recourbées vers l’arrière (ils persistent en Afrique jusqu’au Pléistocène); au Pliocène, les Mastodontes à deux défenses, de très grande taille et à trompe développée (Stegodon et Éléphants du Villafranchien).

L’orthogenèse des Équidés se poursuit, la taille augmente, les doigts latéraux s’atrophient peu à peu en même temps que les dents deviennent hypsodontes: Merychippus , au Miocène, et sa forme dérivée, émigrée en Europe au Miocène supérieur, Hipparion ; puis, au Pliocène, Pliohippus , de la taille d’un poney à un seul doigt fonctionnel; enfin les Equus du Pléistocène.

Il y a désormais de «vrais» Carnivores, représentés soit par des genres actuels (chien, chat), soit par des types intermédiaires (Amphicyon ), soit par des «fins de séries» extrêmement spécialisées. Parmi ces dernières, les Félidés du Mio-Pliocène, tels Machairodus en Eurasie et Smilodon en Amérique du Nord, possédaient de gigantesques canines supérieures, bel exemple d’hyperthélie. Aux Artiodactyles primitifs du Paléogène se substituent des Ruminants à cornes creuses (antilopes, bœufs) et à cornes pleines (cerfs, girafes) qu’accompagnent hippopotames et cochons (Suidés), et que suivent les rhinocéros «vrais» qui s’épanouissent au Pliocène avec R. megarhinus , détenteur d’une seule corne.

C’est encore au Miocène qu’apparaissent les singes à queue (Mésopithèques) et sans queue (Pliopithèques, Dryopithèques). Mais, à la fin du Pliocène et au début du Quaternaire, une partie des grands Mammifères disparaît tandis qu’apparaissent les genres Leptobos (Villafranchien inférieur), Equus et Elephas (Villafranchien moyen, c’est-à-dire début du Quaternaire) et que va exploser le rameau des Hominidés, annoncé au Miocène supérieur avec l’Oréopithèque, mais s’épanouissant à partir du Pliocène supérieur avec les Australopithèques, dont des ossements, vieux de 4 millions d’années, ont été découverts au voisinage du lac Turkana (anc. lac Rodolphe) au Kenya et dans la vallée de l’Omo en Éthiopie.

Aperçu paléogéographique

Avec la disparition de la mer ouralienne à la fin de l’Oligocène et au Miocène, la soudure de l’Inde à l’Asie et le serrage de 400 à 500 km qui aboutit à la surrection de l’Him laya, le continent eurasiatique acquiert au Néogène un aspect proche de l’actuel. Au sud, la paléogéographie déroutante de la Téthys pose toujours un certain nombre d’énigmes.

Ce qui est certain, c’est que les fosses molassiques périalpines connaissent leur maximum de développement en même temps que se manifestent les phases tectoniques paroxysmales. Les arcs alpins s’individualisent et enserrent en Europe centrale et orientale une Paratéthys qui évolue à partir du Miocène supérieur vers des faciès dessalés atteignant leur apogée au Pliocène.

Pendant ce temps, à l’est comme à l’ouest, la Téthys proprement dite évolue vers la fermeture. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, au Miocène supérieur, l’Afrique est soudée à l’Europe par ses deux extrémités. Comme la ceinture évaporitique s’est déplacée vers le sud, cette mer fermée, sorte de gigantesque mer Morte au bilan hydraulique irrémédiablement négatif, voit son niveau s’abaisser jusqu’à l’assèchement, par des profondeurs pouvant atteindre 2 000 m. De temps en temps, la barrière est franchie: le gouffre se remplit et des vases à foraminifères pélagiques s’intercalent dans la série évaporitique, épaisse de plusieurs centaines de mètres, du Miocène supérieur. Les cours d’eau creusent de profondes gorges (actuels canyons sous-marins), alors qu’à l’embouchure de quelques grands fleuves comme le Nil s’accumule une énorme quantité de matériel détritique.

Cette paléogéographie apocalyptique cesse brusquement lors de la «révolution pliocène». L’ouverture par faille du détroit de Gibraltar comble le déficit en eau dû à l’évaporation, et les rivages de la Téthys s’acheminent vers ceux que nous connaissons, tandis qu’un soulèvement généralisé porte montagnes et continents à leur altitude actuelle. De petites incursions marines, moins importantes qu’au Miocène, transforment en rias le cours inférieur des fleuves côtiers. La mer Rouge sépare l’Arabie de l’Afrique et la Rift Valley commence à s’ouvrir, prélude à un nouveau morcellement du Gondwana, qui ne sera effectif que dans quelques millions d’années.

C’est encore au Pliocène que les deux Amériques se soudent et que l’isthme de Panamá autorise de grandes migrations, freinées cependant par la barrière désertique du Mexique. L’océan Atlantique et l’océan Indien continuent leur expansion au rythme de 2 à 3 centimètres par an. Comme au Miocène, le volcanisme est actif, andésitique le long des ceintures mésogéenne et péripacifique, basaltique à l’intérieur des cratons (Massif central...). Le climat est toujours plus chaud qu’à l’heure actuelle et la différenciation climatique s’accentue avec les premiers refroidissements polaires. Mais les plus anciens Hominidés, nés vers 漣 4 Ma au cœur de l’Afrique, ne connaissent pas encore les affres du froid. Celui-ci ne se manifestera sous les latitudes moyennes qu’au Quaternaire, période qu’il est aujourd’hui difficile de définir par les deux critères qui avaient justifié sa création: l’existence de l’homme et les glaciations.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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